Journal de bord – Juillet 2016

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Journal de bord du Cinéma Voyageur 2016
Repartir sur les routes !

jdb2« Tu es sûr que ça se range dans ce sens là ? »

Comme depuis 7 ans, à l’orée de l’été, nous chargeons notre mûle mercedes, attelons notre fière carlo « Georges et Jacques » et partons sillonner les routes avec l’intention de partager nos films
et nos pratiques. Tout en se faisant surprendre par les détours…
L’enthousiasme du départ ressemble à cette excitation des préparatifs de vacances étant gamins ou des veilles de grands voyages. Cela peut même faire oublier certaines réalités comme l’euro de football qui concurrencera notre première  date à Aubervilliers au Jardin des Fabriques. Mais cela n’empêchera pas une vingtaine de mômes de la cité Cochennec de venir voir et revoir les courts métrages: le lama de Caminandes et le grillon d’Abuella Grillo ont la côte.
L’équipe se rôde, il faut réfléchir au bon chargement du camion avec la nouvelle sono, les nouvelles valises bibliothèque et… les nouvelles chaises longues ! Tout est parfait, on file vers la Normandie !

jdb3« Des  gouttes de pluie… Notre point de départ est du bitume. Des rencontres  humides, hésitantes, avec tout de même ce réconfort d’avoir un abri, un  chapiteau pour se retrouver, se reconnaître et éprouver ensemble. »

Nous nous installons en centre-ville aux coté du MKN-VAN d’Echelle Inconnue et c’est finalement la pluie qui réduit notre nombre de spectateurs. Cela n’empêche pas une belle rencontre avec nos hôtes normands auprès desquels nous troquons des images, et des idées.
Arrivée à Rouen : l’autorisation d ‘occupation d’espace public de la place de la Pucelle vient nous rappeler que nous effectuons notre première tournée en état d’urgence. Pas plus de  21 personnes dans le chapiteau et personne à l’extérieur afin de ne pas « créer d’attroupement ». Passons.

Toujours en Seine-Maritime et toujours avec un taux d’humidité au delà des normales saisonnières, nous nous installons à Longueil, en pré-ouverture du festival Théâtre en Brousse.
L’ après-midi est scolaire, les classes de maternelles et primaires se succèdent sous le chapiteau pour découvrir le cinéma de Mélies et les techniques d’animation.
La soirée, elle, est intimiste. Avec la sympathique équipe bénévole, et les films « L’Invitée Familière », et « Pour en finir avec l’École », nous nous projetons dans l’écran, qui parfois est un miroir. Dedans, nos excès, nos folies et nos traumatismes.

Après les falaises du bord de mer, nous nous enfonçons dans les terres du Calvados, ou plutôt dans la terre car nous nous embourbons dès notre arrivée au terrain communal d’Anctoville. Heureusement pour nous, ici les jeunes font du vélo dans le village, même sous la pluie. Et, au lieu de rire -légitimement- des estrangers qui calent des planchettes sous les roues, ils partent chercher l’agriculteur du coin. Un coup de tracteur plus tard et nous voilà posés sur le dur.
La pizza normande camembert/andouille de Tonio avalée sous une petite éclaircie nous réconforte.
Le lendemain, première date de juillet : le changement de mois est aussi un changement de temps. Nous passons une très belle soirée avec l’équipe de la médiathèque d’Anctoville. Beaucoup de sourires et d’enthousiasme devant la projection de « La Bataille de l’Eau Noire ».

Dans l’Orne nous sommes accueillis à Saint-Honorine-la-Guillaume par l’association Les Sonorines.  En cette veille de représentation, les rencontres s’établissent autour d’une partie de couinche.
Le jour J aux abord de la salle communale Il y a beaucoup de monde de tout âge, de la musique, une cantine, du soleil, un lieu parfait pour inaugurer notre vingtaine de transats pour la projection plein air. En première partie de soirée, le chapiteau est plein et on se demande presque si il reste des genoux pour les spectateurs qui continuent à rentrer. La projection de « Maïeuticiennes » laisse place aux paroles des femmes sur le corps, leurs corps et différents points de vue de la médecine sur la grossesse et l’accouchement. Les prises de positions sont gorgées de vécu, se contredisent et chassent les dogmes.

jdb4« La Basse Normandie nous apporte un soleil radieux ; nos corps détrempés se mettent en mouvement, la beauté de nos hôtes nous prend aux tripes. On goûte les mets locaux, un petit coup de pommeau et de Calva ; la pomme comme bannière du territoire, ça se passe de main en main. »

Journée de repos en Suisse Normande!  Baignade dans l’Orne, avec une plage de champs fauchés de la veille et l’écho de nos voix guillerettes en stéréo, pétanque, partie de cartes à la bougie, feu d’artifice improvisé par un couple d’amoureux sur notre parking : dur dur la vie en tournée…

Puis départ pour la Sarthe … Successions d’étonnements… Babeth et Chris nous ont réservé un superbe acceuil. Avec Christian ils nous font nous installer au musée du train de Semur-en-Vallon, une gare reconstituée au milieu des champs et des vaches, en lieu et place d’un ancien marécage asséché. Les spectateurs arrivent en petit train dans notre cinéma, ambiance Western frenchie !
Entre deux projections en pleines voies le musée est ouvert pour une petite visite de rames de métro du début du siècle ou de wagon bar. Le retour se fait en « train de nuit » sous la voie lactée dans une végétation dense et au son des grincements d’essieux.
Deuxième surprise, à Dollon, le village d’à coté, se trouve le musée de musique mécanique que nous recommandons vivement tant qu’il existe encore. Les automates musicaux forains côtoient les jukeboxes à clip 16mm.  Un piano fantôme s’emballe au coté d’un bar soigné, bichonné.
Nous sommes ailleurs, nous fredonnons en coeur du Aznavour devant l’écran, nous écoutons Fifi nous jouer « début de soirée » à l’accordéon truqué. La mélancolie nous imbibe. On se désinhibe en partageant nos valises visuelles. Magie des rencontres éphémères.
La route nous rappelle, nous repartons pour le Perche avec pour longtemps les souvenirs de ce crochet dans la Sarthe.

jdb5       « Christian nous a fait voyager, sous sa marquise, on a pu rêver en admirant ce décor embaumé par le sifflement de la locomotive. »

La chaleur estivale s’installe, les ventilateurs et brumisateurs tournent à plein régime dans la verdure du parc de Préaux du Perche. Les jus de fruits de la coopérative du village et la bière artisanale nous rafraîchissent, le repas partagé est de haut niveau culinaire.
Le public est hétérogène, c’est pour nous un plaisir, nous prenons des risques sur le choix des films, ça passe, ça grince, ça réjouit, ça surprend, ça débat : Parfait !

En Mayenne à Montflours, nous sommes accueillis par le collectif paysan Radis & co. Changement de dernière minute, nous ne pouvons pas nous poser comme prévu en centre-bourg car le râleur du village n’aime pas le bruit, ou les gens, ou peut-être les deux. En tout cas, son aigreur a eu raison de la mairie et nous nous rapâtrions donc à la ferme de la Gorronnière. En inter-génération rurale, nous choisissons de projeter « Sillons Tracé Demain » qui provoque le débat sur la transmission agricole, la désertification rurale et les modes de vie paysan en famille ou en collectifs.
Nous terminons la soirée en enchaînant avec les « courts qui grattent et chatouillent » comme le dit notre présentation dans la brochure. Tantôt le public reste sans voix, tantôt la parole politique se délie, l’intimité des rideaux bordeaux du chapiteau et la lumière tamisée font leurs effets.

C’est à Augan, au Champ Commun dans le Morbihan, que nous nous attaquons à notre période de trois semaines en pays Breton. L’accueil est chaleureux et la bière est brassée sur place.
De notre côté nous sommes nombreux, c’est une date de relève d’équipe, nous sommes six, nous transmettons les bidouilles à réparer, les annotations sur le cahier de liaison. Le retour de la fraîcheur nocturne et la concurrence des bals et feux d’artifices du 13 Juillet nous font passer une soirée intimiste. Nous ressortons un film des premières années de tournées du Cinéma Voyageur. « En Oaxaca no pasa nada » nous replonge dans les événements de l’état du Mexique en 2006. L’actualité est encore très similaire, la révolte est toujours présente et la police tire toujours sur les instituteurs manifestants. Le débat qui s’en suit fait le tour du monde et n’exclut pas notre printemps social brûlant.
Nous terminons la soirée avec « Yes We Fuck », sexe, handicaps, normes, corps, genre, il y a de quoi dire.

        jdb6« Il est 15h15 si on veut faire les courses avant le tour de mégaphone… … »

Départ pour les Côtes d’Armor, mais le volant ne tourne plus très bien, le camion n’a plus de reprise… nous arrivons tout juste jusqu’à la zone commerciale de Guingamp. 14 juillet, 18h30, joyeuse fête nationale sur le parking de Citroën. Diagnostic au petit matin : « Rupture de la courroie accessoire et endommagement des galets tendeurs », 300 euros de réparation et c’est reparti pour Trédez-Locquémeau pour la représentation du soir…
Nous voilà dans le jardin du café Théodore, un joyeux repère de la région où nous rencontrons un sauna voyageur. Un programme de courts, où beaucoup de spectateurs cinéphiles ont l’oeil critique et où nous parlons aussi de nos livres avec beaucoup de gens qui n’ont pas forcement de librairies très proches!
Puis, les papilles encore imprégnées des merveillleuses confitures du ptit dej, nous nous dirigeons vers le nord du Finistère où Jojo nous attend de pied ferme à la brasserie « pied de biche ».
Chapiteau dans le jardin avec des courts, L’invité familière et Yes we fuck, duo de guitare et de cerceau aérien dans l’ancienne forge du village puis Un moment du faux sur grand écran. Un accueil au top, agrémenté de délicieuses crèpes et bien sûr, de la bière on ne peut plus locale, on se sentirait – presque – comme à la maison!
On repart la peau encore salée vers la presqu’île de Crozon où nous trouvons la maison du cidre qui se cache au bout du chemin. Le chapiteau avait une belle alure bretonne à côté d’un bosquet d’hortensia et d’un bar à cidres. Après de grandes hésitations sur le film du soir, nous avons projeté « Paris grand capital ». Une impression de ramener la ville dans cette campagne et en même temps, Brest et sa gentrification ne sont pas très loin et le public est très intéressé pour en savoir plus.
Démontage et bières sous la pleine lune avec nos hôtes.

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Saint Cadou ! Dans les terres bretonnes, au départ des monts d’arrées, un hangar : le Kadhangar. Nous sommes d’abord sceptiques, il semble que le lieu soit légèrement désert..
Au compte goutte, nos hôtes arrivent, les habitants s’interrogent, la famille rapplique avec des paniers de repas à partager. Au final, il y a plein de gens, et ce petit monde file sous le chapiteau retrouver Abuela Grillo et les autres. Nous terminons la soirée par une expérience sonore, plongés dans le noir, malgré les enfants hurlants et courant partout. (a écouter lors de cette date le petit reportage de France Bleu)

23 Juillet on se réveille « hyper tôt » pour acheter du pâté au magasin de producteur de Goasven, notre prochain lieu d’accueil, situé à quelques kilomètres de Sizun en direction de Brest. L’endroit est cool, on fait des emplettes dans une ressourcerie voisine. Livres, radio, et un magnifkitch abajour orange.
Malgré l’isolement du lieu, le public arrive nombreux, on pousse les murs du chapiteau.
A la pause, la pluie s’est invitée et a fait fuire les plus frileux mais une vingtaine de personnes n’ont pas regretté d’être restés, plongés dans les émotions de Yes we fuck!.

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C’est à Pouldreuzic, Finistère sud, au bord de l’océan, que l’aventure continue. La grande équipe de « Lisette super » (boutique éphèmère de productrices et artisanes) nous a concocté une belle soirée sur le parking de la place de cette petite bourgade, royaume du pâté Hénaf! Les courts métrages ravissent, beaucoup de passage dans la soirée. On laisse vingt minutes de carte blanche aux Frauhfaire, deux réalisateurs du coin, qui nous font découvrir leurs courts-métrages expérimentaux. Puis nous continuons avec Enfermés vivants. Emotions et riche débat.

Le grand chassé-croisé approche, le Cinéma voyageur n’y échappe pas! Les équipes tournent. On s’installe sur la plage des sables blancs, à Tréboul, sur la commune de Douarnenez.
Et pour la première en 7 ans, le chapiteau à les pieds dans le sable.

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Nous passons l’après-midi aux côtés des vacanciers venus en famille au bord de mer.
Notre décor interpelle, beaucoup de passage (« c’est pour les enfants?! »), de rencontres et un petit groupe attentif à toute notre programmation de l’après-midi: courts métrage en pagaille et Maïeuticiennes.
Au repas partagé, on se retrouve en petit, très petit, comité mais d’un seul coup, la foule arrive et remplie le chapiteau pour regarder Jangadeiro, pescando o futuro accompagné par le bruit des vagues.
De belles discussions après le film et des envies de faire du lien avec ce qui se passe ici.

C’est ainsi que se terminent nos folles aventures du mois de juillet.
Ce qui est bien, c’est qu’elles continuent en août!
Alors venez nous retrouver ici ou là,
(d’autres dates se rajouteront au fur et à mesure, n’hésitez pas à aller régulièrement sur le site pour voir les mises à jour!)