Faites de votre industrie un musée, nos pratiques sont vivantes !

Le weekend du 9, 10 et 11 septembre nous avons posé notre Cinéma Voyageur dans le parc de l’Institut Lumière à Lyon, à l’invitation du festival ça fait zizir et pour souffler leur dizième bougie.
Un petit texte était présent sur notre programme papier du weekend, nous vous en faisons profiter !
Faites de votre industrie un musée, nos pratiques sont vivantes
Ca fait un moment qu’on tournait autour, nous voilà cette fois invité dans l' »antre de la Bête », nez-à-nez avec l’Institut Lumière. Lieu de « naissance » du « cinéma », adresse « rue du Premier Film ».
Si on peut déjà se permettre quelques doutes sur la véracité de ces qualificatifs, simplification historique créée à des fins patriotiques, ça reste symbolique et l’occasion pour nous de se questionner sur notre présence ici qui n’a rien d’anodine. Parce que nous sommes contre la muséification portée par l’Institut, contre la compétition toute cannoise entre réalisateurs (on ne féminisera pas le terme, pas besoin…) et contre la politique des grands événements dont le Festival est le fer de lance lyonnais et qui étouffe les initiatives quotidiennes.
   Oui, nous projetons des film, enfin des images qui bougent sous une installation qui rappelle un cinéma forain, comme ceux qui ont aidé à lancer cette industrie avant d’en être expulsé par les grands studios. Certain.es de nous ont été nourri.es aux mamelles de l’industrie du divertissement cinématographique ou à celles du cinéma d’auteur de gôche. Certain.es ont même picolé des deux.
  Pourtant, la pratique que nous souhaitons défendre, les envies qui nous poussent à monter notre chapiteau et à atteler notre caravane sont aux antipodes de la vision du cinéma qui se pratique ici. Si nous pouvons encore parler de « cinéma », il s’agirait d’un cinéma vivant, follement vivant. Remplir une halle de milliers de spectateurs pour des films vus et revus, déjà connus de tous, ne nous fera jamais autant plaisir que de discuter des heures sur une place de village avec quatre personnes après une projection dans notre petite structure. Pour nous, le cinéma, c’est comme les discussions, ça sert à se coucher tard.
  Nos films sont souvent malades, toujours libres et même pas rentables mais de toute façon notre chapiteau est bancal alors les deux s’engrainent et se laissent porter pour trois mois d’une tournée où on déconnecte, où on invite des réalisateurs.trices à monter un barnum avec nous et où on tente d’être entièrement dans la rencontre avec l’autre. Alors non, on est pas « dans le cinéma », certain-es de nous font des films, d’autres non et on a aucune idée de comment « en vivre », que ce soit de la réalisation ou de la projection. Des fois, on cherche des pistes, des failles, pour payer notre loyer ou autre, et pis des fois, on s’en fout, en fait, avec le temps. C’est aussi le cas pour la plupart des personnes dont on diffuse les films. On est bénévoles, sans subs et on parlera pas trop d’argent avec toi, pose tes pièces dans la boîte prix libre pendant qu’on est parti se resservir un verre. On se lance dans l’aventure depuis 7 ans et même qu’on en fera pas un film parce que tous les souvenirs et moments qu’on a partagé avec des personnes sur la route, ils tiennent que dans nos mémoires et même pas dans l’écran géant de la place Ambroise Courtois.
  Alors si le cinéma c’est une industrie comme semble le défendre l’Institut Lumière, réduisible en musée, sclérosé par le poids du passé, de la starification (même des auteurs), de l’argent et de la loi, sûrement que nos pratiques c’est pas du cinéma, mais on voyage.